L'Europe n'a pas l'intention de
jeter les armes face au dumping chinois. Et elle le prouve sur l'acier.
Tel est le message que tente de faire passer la Commission européenne,
alors que le statut d'économie de marché qu'elle pourrait accorder à la
Chine fait controverse. Ce dossier, devenu urgent, puisque la période
d'attente de quinze ans suivant l'entrée de la Chine à l'Organisation
mondiale du commerce (OMC) touche à sa fin, s'est imposé comme l'un des
plus épineux pour l'exécutif européen cette année. Ne pas accorder ce
statut à Pékin, c'est s'exposer au risque de représailles commerciales.
Mais opter pour la solution inverse ferait perdre de précieux outils de
protection contre les exportations chinoises bradées, avec les
conséquences industrielles et sociales que cela implique.
De
ce bourbier, Bruxelles tente de s'extirper en esquissant une troisième
voie. L'idée : faire preuve d'une fermeté constante vis-à-vis du dumping
chinois, sans pour autant renoncer à la possibilité d'un acte politique
fort vis-à-vis de Pékin. Cet exercice d'équilibre s'est illustré,
récemment, avec l'annonce de nouveaux droits de douane provisoires
allant de 9 % à 13 % sur des importations d'acier chinois utilisé dans
le béton armé. De même, selon Reuters, la Commission pourrait imposer
des droits sur les importations d'acier laminé, s'élevant à 16 %. Même
si Bruxelles ne commente pas cette dernière information, un porte-parole
en profite pour insister sur le fait que l'exécutif européen utilise « tous les instruments disponibles pour agir », en
précisant que parmi les 34 mesures en cours pour protéger l'Europe sur
l'acier, la grande majorité concernent des importations chinoises,
auxquelles s'ajoutent six investigations toujours en cours.
Mais
l'illustration la plus nette de cette recherche d'une solution
intermédiaire a été l'audition, lundi, de la commissaire au Commerce,
Cecilia Malmström, devant le Parlement européen. Alors que les députés
semblent majoritairement prêts à en découdre avec la Commission sur ce
sujet, la Suédoise a, pour la première fois, commencé à abattre ses
cartes. L'occasion pour elle de confirmer qu'une étude d'impact était en
cours pour mesurer les conséquences qu'aurait l'accession de la Chine
au statut d'économie de marché. Et que, à ce stade, les premières
estimations de Bruxelles sont beaucoup moins alarmistes que l'étude,
publiée en septembre, selon laquelle des millions d'emplois seraient en
jeu. Pour Cecilia Malmström, ce calcul était erroné, car il équivalait à
considérer que la Chine faisait du dumping sur tous ses échanges avec
l'Europe, alors que ce ne serait le cas que pour 1,38 % des
transactions. Le nombre d'emplois menacés se situerait plutôt entre
200.000 et 300.000, juge Bruxelles.
Surtout,
Cecilia Malmström a évoqué la possibilité de changer de méthode de
calcul pour les taxes antidumping appliquées au made in China. Le but :
conserver des mécanismes robustes de protection, quand bien même
l'accession au statut d'économie de marché serait entérinée. Il semble
donc de plus en plus clair que, à ce stade, l'option préférée par
Bruxelles consisterait à octroyer à Pékin ce statut tout en essayant
d'en limiter les conséquences commerciales.
Un schéma qui laisse dubitatifs nombre de députés. « On sent la tentation du bricolage »,
estime Emmanuel Maurel (socialiste). De fait, il reste à voir comment,
concrètement, mettre en oeuvre un tel programme, sachant que c'est parce
que la Chine n'a pas le statut d'économie de marché qu'il a été
possible d'appliquer des droits de douane substantiels…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire