jeudi 17 mars 2016

Crise du secteur sidérurgique : l'Europe reconnaît son impuissance



La Commission européenne doit présenter aujourd'hui une brève communication sur l'industrie sidérurgique européenne. Le document, consulté par « La Correspondance économique », fait un bref bilan de la crise que traverse actuellement le secteur, mais n'esquisse pas de réelle piste de réforme. « C'est d'abord la responsabilité de l'industrie elle-même de s'adapter et d'innover pour répondre aux défis qui l'attendent », souligne au contraire la conclusion du document.
Selon la Commission, l'industrie sidérurgique européenne représente un chiffre d'affaires annuel de 166 milliards d'euros, et représente 1,3 % du PIB de l'UE. En 2015, il a créé 328 emplois directs. Néanmoins, la position « compétitive » de l'UE s'est détériorée depuis 2014. La faute en revient principalement à la Chine, dont la production a augmenté « de façon spectaculaire », tandis que sa demande intérieure baissait en raison du ralentissement économique. Toujours selon la Commission, Pékin produit actuellement 350 millions de tonnes d'acier par an, soit environ deux fois plus que l'UE. « En trois ans, les importations d'acier depuis la Chine ont bondi (...) et le prix de certains produits s'est écroulé de 40 % », conclut l'exécutif européen.
Mais, si le constat est clair, les pistes d'actions sont très limitées, pour la Commission européenne. Elle pourrait, en théorie, proposer des améliorations des instruments de défense commerciaux européens. Mais, comme elle le rappelle elle-même, sa précédente proposition en la matière est coincée depuis 2013 au sein du Conseil de l'UE, où certains Etats s'y opposent catégoriquement.
Concernant les investissements, le budget communautaire est limité, et ne permet pas de débloquer des fonds exceptionnels pour le secteur. L'exécutif européen pointe donc vers les fonds déjà en place, par exemple le Fonds européen pour les investissements stratégiques (le « Plan Juncker d'investissement » lancé en 2015), le fonds d'ajustement à la globalisation, ou encore les fonds structurels attribués sur une base pluri-annuelle à tous les Etats membres. Seule possibilité d'action, la Commission peut imposer des mesures de défense commerciale au cas par cas, par exemple des droits anti-dumping. 37 mesures sont actuellement en place, dont 16 à rencontre de la Chine.
L'exécutif précise avoir accéléré le rythme d'imposition de ces mesures, avec 5 nouvelles en 2014 et 7 en 2015 (cf. CE du 15/02/2016). En parallèle, des groupes de travail bilatéraux ont été mis en place avec la Chine, le Japon, l'Inde, la Russie, la Turquie et les Etats-Unis. Concernant la Chine, un travail est bien sûr en cours sur la question de son accession au statut d'économie de marché - statut qui rendrait plus compliqué le calcul des droits anti-dumping à son égard (cf. CE du 12/02/2016).
Une résolution du Parlement européen, adoptée en octobre dernier, proposait d'agir sur le régime d'échange des droits d'émission de C02 et sur le prix de l'énergie. Dans son document, la Commission écarte la première option, référant à sa dernière proposition en la matière. Elle n'exclut pas une action sur le prix de l'énergie, mais seulement dans le cadre de son projet d'« Union de l'énergie ». « Ce document signe la mort de l'industrie sidérurgique européenne », tempête un spécialiste du secteur, pour qui une intervention publique marquée est décisive pour secourir le secteur. « Le fait que la Commission européenne fasse une communication est un bon signe, cela montre qu'elle a compris l'ampleur de la crise », relativise un représentant du secteur privé. « Mais, bien sûr, c'est assez décevant de voir qu'elle n'y propose rien de nouveau. »

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